NUORREK - A la découverte du grand nord

En Sami contemporain, NUORREK, signifie ‘‘le long des côtes’’, cela résume parfaitement le défi à venir. Nous sommes Thibault et Loïc, deux élèves ingénieurs, aventuriers dans l’âme, et nous nous lançons dans une expérience unique et inédite, entre mer et montagne. En effet, nous souhaitons longer les côtes du Finnmark, en partant d’un village de Samis situé au Cap Nord jusqu’aux Alpes Lyngen en catamaran de sport pour réaliser l’ascension du Store Lenangstind. Ce projet débutera en juin 2019 et durera une cinquantaine de jours.   

Le voyage aller 

Dans chaque expédition il y a une face cachée, la logistique. Pour nous, la première étape consiste donc à amener notre catamaran de sport à notre point de départ : Torhop ; minuscule port du Nord de la Norvège.

Nous sommes donc partis d’Avignon, dans le sud de la France, pour un périple de 4101 kms avec un bateau derrière la voiture pendant quasiment une semaine. “Ça y est on est enfin sur la route !” J’entre notre destination dans le GPS, Thibault rigole, nous somme qu’à 50 heures de l’arrivée, enfin du départ…

Après 1 an de préparation nous sommes soulagés de partir, enfin. Cela paraît presque irréel. Il est difficile d’imaginer que dans quelques jours le mercure aura du mal à dépasser les 5 degrés.

Le "vrai départ'

Beaucoup de vent, pas de possibilité de prendre le départ. Nous profitons de tous ces changements pour partir à la rencontre des Samis, peuple du nord, emblématique dans cette région. Nous réalisons des interviews de pêcheurs, fermiers, étudiants et même de rennes. Cela nous remonte le moral. 

Il faut réorganiser toutes les affaires, mater de nouveau et remettre le bateau à l’eau. L’émotion est grande et on sent le vent s’engouffrer dans les voiles. L’aventure peut commencer. Thibault tient la barre. On met le cap sur Neverfjord. C’est génial. On navigue sur un minuscule catamaran dans un fjord 400 km au-dessus du cercle arctique. Aucun bateau en vue. Nous ne disons rien, nous apprécions l’instant.

Thibault toujours à la barre, la mer commence à creuser et les rafales sont de plus en plus violentes. On est dans le vif du sujet. Le sentiment de peur de chavirer se mêle à l’adrénaline. Notre plus grande crainte est de dessaler et de casser quelque chose à cause du chargement sur le bateau. Malgré cela on enchaîne les miles nautiques, toujours aussi concentrés. Ça va vite, très vite. Nous décidons de nous rapprocher de la côte pour trouver un endroit où accoster et nous reposer.

 

Navigation sous les nuages

A notre réveil, assez tardif du coup, le bateau est toujours là et le vent a faibli. Nous petit déjeunons vers 14h. Il ne fait pas très chaud et le temps est pluvieux mais on est aux anges. Un chocolat chaud, des œuf brouillés, le tout avec une vue sur le fjord. Que demander de plus ? Un sauna peut être… 

Nous reprenons la route et sommes toujours émerveillés de naviguer dans cet environnement. Grâce aux nuages, le temps est plus calme je barre donc quelques heures pendant que Thibault prend bien le temps de vérifier l’itinéraire et la météo.

 Au moment de trouver un bivouac les choses se compliquent… Nous ne trouvons aucune berge pour mettre une tente. Notre standard est revu à la baisse et nous décidons d'approcher une zone qui semble plate. A 20m du bord nous nous rendons compte que ce n’est pas du tout ce que nous pensions… L’heure tourne, le vent faiblit, Thibault regarde sur le GPS mais la tâche n’est pas simple. Nous trouvons finalement après 3h un endroit qui fera l’affaire. De toute manière, on est cuit. Pour le bivouac, chacun a son rôle, on a déjà pris nos petites habitudes de vieux. On est plus efficace que la veille. Un lyophi et au lit.  Les 2 jours suivants se déroulent avec le même rythme mais le soleil ne fait toujours pas son apparition. Le cinquième jour, le soleil revient enfin un peu le temps de recharger quelques batteries. C’est le moment que l’on choisit pour aller explorer un fjord très étroit. 

La vie d'un Fjord

Après quelques heures, on s’enfonce dedans. Il est étroit, c’est le plus étroit depuis le début. Quelques centaines de mètre. On se sent tout petit. L’émerveillement est total. En plus le vent est dans le bon sens ! Cependant il faiblit, un peu trop. Je commence à ramer à l’avant pendant que Thibault s’occupe de la barre. C’est calme, ça fait du bien. On a l’impression d’être des Vikings, il n’y a aucun bateau, pas de route, pas de ligne électrique. 

On vit une aventure de fou et on profite de tout, de chaque son, chaque image, chaque sensation. On ne parle pas beaucoup, je crois même que Thibault a les larmes aux yeux tellement les émotions sont intenses. On est heureux d’être là, à cette instant précis, heureux d’être petit face à une nature qui nous a bien secoué mais qui fait une trêve. On dit souvent des conneries pour passer le temps mais là on ne disait rien. Le fjord se resserre de plus en plus. Nous sommes au milieu de ce fjord et il est déjà 4h du matin. On décide donc de chercher un bivouac pour la nuit. C’est notre meilleur bivouac depuis le début de l’aventure, nous avons pu profiter toute la nuit d’un matelas de fleurs. C’est un peu plus confortable que des pierres… 

D’après un pêcheur rencontré quelques jours avant, au fond de notre Fjord un glacier se jette dans l’eau. Nous repartons donc voir ça aux alentours de 22h. Nous avons profité de belles éclaircies pour recharger toutes nos batteries et même celles du drone. Le fjord prend un virage et nous découvrons enfin avec émerveillement, un glacier surplombant l’eau. C’est la millième fois qu’on a la même discussion :    -”C’est vraiment magnifique” -”Grave !! C’est dingue, on a de la chance d’être là”   Ce n’est pas très poétique mais l’émotion était là. On a touché du doigt le but du projet : la mer et la montagne. Ce fjord n’est que nature, nous ne croisons personne.  Nous accostons et montons le camp. C’est sûr, on va rester là 2 jours. On était comme des gosses arrivant à Disneyland. De l’eau douce, une vue à couper le souffle, du bois pour le feu, des oiseaux par dizaines donc très certainement du poisson. Bref, on va s’amuser ici. Il est maintenant 8h30 du matin et nous allons donc manger notre petit repas du “soir” avant de dormir.

Lors de nos différents bivouacs on essaie de faire des interviews de nous-même. Cela nous permet d’avoir un journal de bord et de nous rappeler de pleins de détails. Ce n’est jamais évident car l'ennemi numéro un de l’audiovisuel c’est l’eau… Ça tombe bien on fait de la voile sous la pluie !

 Après une journée de “repos” nous décidons d’enfiler les combinaisons sèches pour aller pêcher au milieu du fjord. On est deux pêcheurs inexpérimentés. Notre palmarès se résume à une truite et quelques dorades dans le sud de la France. Les pêcheurs nous ont répété qu’il y avait du poisson partout alors ça devrait le faire. Je n’ai pas le temps de descendre la ligne jusqu’au fond que je sens déjà quelques touches. Il semblerait que ce soit un Skrei norvégien, un type de cabillaud assez rare, surnommé le « poisson miracle ». Pour des pêcheurs du dimanche, on était fier et nous sommes presque déçus que ce soit si rapide ! Nous nous remémorons les discussions avec les pêcheurs, « fish everywhere » qu’ils disaient et ils avaient raison. 

Alpes Lyngen - L'ascension

Bonne surprise la météo prévoit quelques percées du soleil pour notre arrivée aux Alpes Lyngen. Le bateau enfin harnaché, on peut enfin souffler. Nous venons de finir la partie maritime. Avant de prendre de la hauteur, il faut refaire tous les sacs et partir le plus léger possible. Nous emportons juste nos sacs de couchages, nos tapis, une partie du matériel vidéo, 6 jours de nourriture et les affaires d’alpinismes. Même en ayant tout optimisé, nos sacs pèsent 25 kilos chacun. 

Après une demi-journée de préparation, nous partons direction le premier bivouac repéré sur la carte. La première partie est assez laborieuse car nous sommes au milieu d’un énorme pierrier et il n’y a aucun chemin. Avec de telles charges, le moins que l’on puisse dire c’est que nous ne sommes pas très stables. Après 4h de marche, nous arrivons à 500 mètres d’altitude près d’un petit lac d’altitude.

Nous montons rapidement le bivouac, ça fait du bien de ne plus gérer la logistique du bateau. Épuisés on s’endort rapidement. Nous nous réveillons sous un soleil de plomb aux alentours de 13h. Nous profitons de l’après-midi pour filmer et faire les derniers repérages sur la carte avant de monter au glacier. Pour se sentir propre avant de monter, le lac nous donne des idées. C’est l’eau la plus froide dans laquelle on ne s’est jamais baignés.

Elle ne doit pas dépasser les 5 degrés. Le temps de faire un petit aller-retour à la nage, on reste moins d’une minute trente dans l’eau avant d’aller se réfugier dans les duvets pour se réchauffer. En fin de journée, après avoir mangé on décide de partir aux alentours de 23h pour que la neige soit bien gelée. Après une dizaine de minutes de marche, il est temps de chausser les crampons et de s’encorder. Cinq minutes plus tard, on trouve une lèvre contre les rochers et on prend 2 heures à s'entraîner à la chute en crevasse.

 

Cela nous permet de nous rappeler les techniques de mouflages et nous remettre en tête
les réflexes pour gagner en efficacité si un problème survient. Une fois l'entraînement fini, on repart sur le glacier et au bout d’une heure le brouillard est complètement tombé. Impossible de savoir où l’on va, je vois à peine Thibault devant. Heureusement avant de partir nous avions rentré les coordonnées d’un endroit ou l’on pouvait bivouaquer dans notre GPS.

En s’aidant de la boussole on parvient tant bien que mal à avancer. La montée est assez étrange, tout est blanc et on alterne avec des replats et des pentes très raides. Nous arrivons à l’emplacement voulu vers 6h du matin, nous sommes maintenant à 1000 mètres d’altitude. On sonde autour du camp pour vérifier qu’il n’y ai pas de crevasse. On aplanit le terrain et on installe la tente au milieu d’une immensité de blanc. Nous avons aucune idée de ce qui nous entoure, on verra bien demain. Une fois levé, nous apercevons enfin le paysage qui nous entoure. Nous sommes au milieu d’un glacier immense de 2 kilomètres de large. L’après-midi, le soleil tente quelques visites mais le ciel reste grisonnant. Cela nous permet de découvrir brièvement le sommet du Store Lenangsting.

Après avoir consulter la météo, on a un créneau disponible entre minuit et 3 heures du matin ou le sommet devrait être dégagé. A 23 heures, nous partons tenter l’ascension dans un brouillard encore bien épais. Après une heure de marche assez tranquille, le temps s’est dégagé et la dernière face se révèle. Aux alentours de 1 heure, nous attaquons la dernière montée et elle s’annonce rude. La pente est à plus de 50 degrés et une crevasse barre le chemin sur toute la largeur. Nous repérons un pont de neige suffisamment solide pour la traverser. Thibault s’engage et passe la crevasse sans problème ; mais lorsque je m’engage il cède.

Je suis donc obligé de trouver un nouvel endroit ou passer, ce qui nous fait perdre un peu de temps. Le reste de la montée se passe sans incident et on atteint le col vers 2h30. La vue est tout simplement magnifique. Nous profitons des couleurs du soleil de minuit et apercevons 2 fjords différents de chaque côté du col. Nous avons une vue imprenable sur toute les Alpes Lyngen. On prend le temps de profiter et de filmer mais à 3 heures le brouillard est déjà en train de monter sur nous.

Il nous reste une cinquantaine de mètres sur l'arête sommitale pour arriver au sommet mais on prend la décision de redescendre car on ne veut pas prendre le risque de faire tout le chemin du retour dans le brouillard avec les crevasses. La tente montre le bout de son nez vers 5 heures du matin, nous sommes enchantés. Le sommet n’était pas une fin en soit, nous avons pris énormément de plaisir à grimper et nous avons pu profiter, sans aucun doute, des plus beaux paysages que l’on n’ait jamais vu. C’est ici que s’achève notre aventure en Norvège et nous tenons à remercier tous les partenaires et les personnes qui nous ont accompagné dans ce projet. Simplement merci de nous avoir permis de réaliser un de nos rêve.